Valentin Alizer - Artiste-poete

Lorsque j’ai passé mon DNSEP, j’étais sobrement vêtu d’un col roulé noir et d’un costume assorti avec, épinglé au col de ma veste : un large pin’s Avengers offert par le CGR de la rue du port qui avait reçu les goodies plusieurs semaines après la sortie du film.

Alors que ma présentation orale évoluait sans encombre, les membres du jury ont commencé à m’interroger sur ma tenue et nous en sommes venu à mettre en relation le pin’s avec mon travail de l’époque (L’Ours Honnête, Un traité pour un rendu & A Saturday Night), abordant notamment la notion d’univers étendu, avec ce que cela apporte comme crossovers et spin-off.

Depuis cet événement, j’ai continué à arborer le col-roulé/costume/pin’s comme uniforme, enrichissant par conséquent ma panoplie d’Emmaüs en brocantes en vide-grenier.

Le diplôme dignement fêté et l’été passé, je me suis retrouvé confronté à l’après-beaux-arts : le manque de sous, d’espace de diffusion et de deadline.

Dans ce contexte, je souhaitais continuer à développer ma pratique de la poésie-performance.

J’avais besoin d’un point de départ, j’ai rapidement choisi de travailler à partir du pin’s. Je souhaitais pouvoir diffuser mes textes dans leur oralité et dans une certaine immédiateté : j’ai rapidement choisi de travailler pour Instagram, mais sous quel intitulé ?

En parallèle de mes réflexions sur le pin’s et le poème, je lisais Lipstick Traces, de Greil Marcus. Page 86, je fus confronté à un lapsus de lecture :

« Il fait froid, sombre, il sent l’odeur des [pin’s], il les entend quand il accélère devant eux, la radio allumée, il est rattrapé par les éclairs encore plus froid des néons, par le monde moderne qu’il recherche. »

Ne me manquait alors plus qu’un protocole de diffusion. Je décidais de poster d’abord le pin’s, suivi de l’oralisation du texte qui en est issu, du poème-partition et parfois d’un bonus (souvent : une interprétation alternative du texte).

L’odeur des pins est ainsi née en réponse aux contraintes liées à ce nouveau contexte de création et a tout d’abord été pensé pour une diffusion en ligne sur Instagram.

L’édition des textes est arrivée dans un second temps. Le Zinefest #6 approchait et je souhaitais faire exister matériellement mon travail.

J’ai choisi de publier les textes pré-diffusés sur le compte Instagram de l’odeur des pins dans une version augmentée : chacun des textes est introduit par une image (dans le premier volume : des collages, puis dans le second : des photomontages) mettant le pin’s en scène puis de plus en plus : donnant quelques informations complémentaires quant au contexte d’écriture des poèmes.

L’édition a été l’occasion d’une redécouverte de mes textes : alors que les premiers poèmes procédaient de l’écriture automatique et tendaient vers un propos absurde, j’ai remarqué qu’ils devenaient au fur et à mesure un espace d’expression personnel ; le pin’s devenait alors le prétexte à l’introspection.

Ainsi, tandis que le compte Instagram se présente comme un espace de l’immédiat, l’édition devient un espace de réflexion, de prise de recule sur le poème permettant un regard rétrospectif sur mon travail.